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Alors qu’en France l’on distingue l’asile constitutionnel, l’asile conventionnel et les régimes législatifs spécifiques (protection subsidiaire, asile interne), la reconnaissance de la qualité de réfugiés au Togo repose sur deux piliers juridiques conventionnels.
D’une part, on a la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole de New-York du 10 septembre 1967. D’autre part, on a la convention de l’OUA du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique.
Ainsi donc, au regard de l’article 3 de la loi N° 2016-021 du 24 août 2016 portant statut de réfugié au Togo, le premier pilier organisé autour de la convention de Genève reconnaît la qualité de réfugiés à toute personne qui craint avec raison d’être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou pour ses opinions politiques. Le législateur précise que cette crainte de persécution doit s’accompagner du fait que cette personne qui est hors du pays dont il a la nationalité où il réside habituellement ne veut pas ou ne peut pas réclamer la protection de ce pays.
Cela veut dire que le demandeur d’asile qui souhaite voir reconnaître sa qualité de réfugiés au Togo doit :
- Avoir la crainte avec raison d’être persécutée
- Pour l’un des motifs suivants : race, religion, nationalité, appartenance à un certain groupe social ou opinions politiques
- Être dans l’impossibilité ou refuser de se prévaloir de la protection du pays dont il a la nationalité ou du pays où il réside habituellement
Il convient de préciser au regard de ce dernier critère que le pays de rattachement du demandeur d’asile dont il est question est soit son pays de nationalité dès lors que cette nationalité est connue, soit son pays de résidence habituelle si la nationalité n’est pas connue. Dans l’hypothèse où le demandeur d’asile à plusieurs nationalités, l’article 3 de la loi de 2016 précise que le rattachement doit être fait avec l’ensemble de ces pays de sorte qu’il doit prouver pour chacun d’eux qu’il craint d’y être persécuté pour être reconnu comme réfugié.
Le même article 3 de la loi N° 2016-021 du 24 août 2016 portant statut de réfugié au Togo institue un deuxième pilier de la reconnaissance de qualité de réfugiés au Togo. Cet article permet de prendre en compte les spécificités africaines de la récurrence des conflits armés engendrant les flux de population d’un pays à un autre pour ainsi répondre aux préoccupations humanitaires qui en découlent. Partant, il en résulte qu’est réfugié, au sens du droit togolais, toute personne qui est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un pays autre que son pays d’origine et de nationalité en raison d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’évènements troublants l’ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d’origine ou de son pays de nationalité.
En substance, le deuxième pilier exige que le demandeur d’asile qui souhaite voir reconnaître sa qualité de réfugié au Togo doit :
- Être obligé de quitter sa résidence habituelle pour trouver refuge dans un autre pays
- Chercher refuge dans un pays autre que celui d’origine ou celui dont il a la nationalité
- Fuir un pays victime d’agression ou subissant une occupation extérieure, une domination étrangère ou des évènements troublants l’ordre public.
Il convient de préciser au regard de ce dernier critère qu’il n’est pas nécessaire que le pays d’origine du demandeur d’asile soit totalement occupé ou en trouble, mais une partie du territoire est suffisante. Le législateur togolais s’inscrit ainsi en porte à faux avec le législateur français qui a créé l’asile interne permettant d’écarter la demande d’asile dès lors que le demandeur peut raisonnablement mener une existence normale sur une partie du territoire de l’État d’origine où il peut obtenir une protection. Cela n’est pas en soi étonnant puisqu’il ne fait que reprendre les termes de la convention de l’OUA de 1969 (alinéas 1er de l’article 1) alors que le législateur français s’appuie de son côté sur une réserve d’interprétation à la convention de Genève en réaction elle-même aux lignes directrices du HCR (Aurélien Camus, Maxence Christelle, Dorian Guinard et Christophe Le Berre, Chronique de la jurisprudence interne en droit de l’asile (Juin 2022 / mars 2023), Actualité Droits-Libertés, Juillet 2023). Faut-il préciser que ces lignes directrices dans une version récente au paragraphe 91 considère que » la crainte d’être persécuté ne doit pas nécessairement s’étendre à l’ensemble du territoire du pays dont l’interessé à la nationalité ». Mais, ces mêmes lignes, dans l’illustration de cette affirmation, précisent qu’une personne qui fuit un conflit ethnique ne peut se voir refuser le statut de réfugié « pour la seule » qu’elle aurait pu chercher refuge dans une partie du pays si « on ne pouvait raisonnablement attendre d’elle qu’elle agisse ainsi » (Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié et principes directeurs sur la protection internationale, 2019). En tout état de cause, la possibilité de créer un régime d’exclusion sur le motif que le requérant peut fuir sur une autre partie du territoire est discutable. Mais elle reste envisageable par le législateur sans aucune ambiguïté dans la limite des réserves émises par l’Etat au moment de signer la convention de Genève sous peine d’inconventionalité et ne peut en aucun cas être créée par le juge de l’asile dans le silence de la loi sous peine d’illégalité.
Bamidayé K. ASSOGBA, Ph.D